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Fabliqué par Gaëlle
28 mai 2008

D'où il est question de frère et de soeurs

Je suis née à la fois en pole position et en seconde, en 1984.
Deuxième enfant de mon Papa, j'étais la toute première pour ma Maman. Drôle de position s'il en est, pas vraiment l'aînée, pas vraiment la cadette.
En 1986, naissait Sophie, ma cadette, et la benjamine pour David, car, le hasard faisant bien les choses, mon amoureux a le même prénom que mon demi-frère, 10 ans après sa propre naissance.
Je n'ai pas beaucoup de souvenirs de cette enfance à 3, des week-ends alternés, des photos de lui et moi d'enfants, heureux ensemble. "En route mauvaise troupe", seul souvenir auditif de lui. De sa game-boy. Une rikiki pièce de théâtre dans la chambre de l'immeuble, Sophie et lui spectateurs de mon imagination depuis le lit superposé, celui du haut. Un jeu de mot enfantin sur France Gall (France-GallesFrance-Galles, ahahahah), mais pour le foot, à 6 ans, on ne comprend pas vraiment les jeux de mots géographiques.

Puis l'absence. Soudaine. Cruelle. Insupportable.

Non pas qu'il soit mort, ne vous inquiétez pas. Mais il avait décidé, l'adolescence aidant, de tirer un trait sur sa famille, enfin, tout ce qui avait un rapport avec son père. Une stupide histoire que je découvris que bien des années plus tard, et une réaction disproportionnée. A 6 ans, on ne comprend pas vraiment pourquoi son grand frère ne vient plus. On attend, on espère, on rêve de son retour. Puis, l'absence se fait moins dure, la plaie ouverte petit à petit cicatrise, en prenant beaucoup de temps.

L'adolescence arrive, et des questions, jusque là enfouies, viennent à la surface. Pourquoi? Comment? Où est-il? Que fait-il? Est-il simplement vivant? Pense-t'il seulement à nous. Je comprends qu'il puisse en vouloir à Papa, mais nous, ses soeurs, et ses grands-parents qui l'ont tant aimé, certainement bien plus que nous l'avions été? Les recherches, les bottins décryptés, les coups de fil insensé à des David R. "Bonjour, j'aimerais savoir si vous êtes le fils de Bernard R. ..." à 13-14 ans, on n'est pas très douées pour ces choses-là. L'absence est si grande, si forte, si blessante. Surtout à 13-14 ans, quand les doutes assaillent des jeunes femmes en devenir, et des rapports conflictuels avec son Papa, et qu'un grand frère, on ne demanderait rien de plus qu'un grand frère pour parler de tout celà, lui poser les questions qui nous tracassent, les comment, les pourquoi, auxquels les adolescents sont souvent en proie.

Puis, de guerre las, tous ces pourquoi, ces comment, se retournent. On grandit, et l'on se dit que ce n'est pas la peine de s'en faire pour lui, car lui, ne s'en fait pas pour nous. Nous retrouver n'était pas difficile, mon grand-père vit depuis plus de 20 ans dans la même maison. A 15 minutes de chez sa mère. Alors, c'est l'effet inverse, tout cet amour qu'on avait gardé pour lui, comme autant de cadeaux d'anniversaire conservés par des parents dans le cas de disparition d'enfant, tout cet amour si fort, tout cet amour se transforme en colère, puis en indifférence.

Et on est une jeune femme, qui a fait le deuil de ce frère absent, une jeune femme sollicitée par sa petite soeur qui, elle, n'a pas fait le deuil, qui n'a connu ce grand frère que les 4 premières années de sa vie, et qui ne comprend pas, pas pourquoi il ne veut plus de ses soeurs. On lui demande de l'accompagner à Paris, à l'enregistrement d'une émission de la Une qui n'est plus diffusée depuis quelques mois, où il est question de rideau à lever. Juste accompagner, ne pas participer. Car c'est sa démarche à elle, c'est la soutenir, je suis passée à autre chose. Des évènements qui se précipitent. Le voyage en train, le taxi pour rejoindre les studios, l'attente, le briefing avec la journaliste, l'espoir que la promesse soit tenue ("Je t'accompagne si tu ne dis pas de mal de Papa à l'antenne"), Sophie qui descend, moi qui vais dans la loge avec la télé pour voir ce qui est tourné, et rencontrer un ami de mon frère. L'émission qui semble durer des heures, qui la petite vidéo sur Lui, qui habite si loin de nous... comment aurions-nous pu le retrouver, à côté de Marseille, avec un nom figurant dans les 10 premiers de France? Puis le choc. Pendant 14 ans, je l'avais imaginé, rêvé, fantasmé (ne voyez pas de choses cochonnes là-dedans). Le voir, entendre sa voix d'homme, son regard, bon sang, c'est Papa. Celui qu'il avait voulu fuir, il le voyait tous les matins dans le miroir. Il joue de la guitare, comme son père. Fou. Les larmes sont montées. Comment en quelques secondes, 14 ans de questions s'étaient envolées. Une rencontre à Paris, une grenadine au Train Bleu à Paris, avant qu'il ne redescende vers Marseille. Puis une autre rencontre, quelques jours après.

De cette rencontre était nés des espoirs, que nous parviendrons à rattraper ces 14 ans loin de lui. Qu'enfin, nous aurions un grand frère. Des mails échangés les premiers mois, des lettres que je lui ai écrites restées sans réponse, puis, comme un soufflet, l'effet des retrouvailles est redescendu. Même pas envie de lui fêter ses 31 ans en Octobre dernier, pourtant, celà fait des années que je pense très fort à lui début Octobre. La colère, la rancoeur, la déception. Comment lui pardonner de nous avoir abandonnées?

Pas de nouvelles depuis Septembre 2007, puis un mail la semaine dernière. Je ne sais pas si je vais répondre. Je lui en veux encore tellement. J'ai une soeur, une petite soeur, malgré les prises de becs, nous nous aimons, et je serai toujours là pour elle quoiqu'il arrive. C'est la seule certitude que j'ai, la seule affirmation que je puisse faire. Si j'ai un frère? Je ne sais pas. J'en ai eu un petite. Blessure pas encore vraiment cicatrisée pour que je puisse affirmer que j'ai une soeur et un frère.

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Commentaires
C
Petit bouchon, <br /> David est dans ton coeur, et dans un petit coin de ta mémoire, puisque tu nous en conte l'histoire!<br /> Alors, n'hésite pas, réponds à son mail, ce n'est ni un engagement, ni un serment, juste un petit geste de chaleur qui peut remplir ton coeur!!!
M
tu écris très bien ton histoire Gaëlle, et l'émotion est là. Chacun de votre côté, vous avez fait votre chemin. Il faudra peut être lui dire toutes ces choses un jour, quand tu seras prête.
F
beaucoup d'émotion en lisant ce message... Le passé est quelque fois douloureux.... Mais il n'y a que toi pour juger de ce que tu dois faire, c'est votre histoire, difficile de vous dire quelle décision prendre... Avec toutes mes pensées positives, je t'embrasse.
A
Joli blog et route ronde en Seine et Marne , je viens de te lire et ton écriture de jeune femme est fluide et trés agréable à lire , ton histoire , pleine de tendresse et d'émotion , la vie réserve tant de surprises , de belles et de moins jolies parfois mais la vie est ainsi en pleins et en déliés pour nous donner le plaisir de croquer dedans ou le temps que les choses passent , c'est ce qui la rend précieuse , ton amoureux David a de la chance d'avoir prés de lui une jeune femme sensible , tu dois être sacrément à la hauteur , cela se voit dans tes mots , je vous souhaite plein de courage et repasserai bien sur te revoir , prends soin de ton fiancé et de toi et de vous . Anne Chiffon
P
Oh ma Gaëlle ... comme je suis triste et émue en te lisant ce soir.<br /> Je te dirais de lui répondre, mieux valent les remords que les regrets, c'est ce que me disait souvent ma grand-maman. <br /> Je suis là, tout simplement, si tu as besoin d'en parler.<br /> Je t'embrasse affectueusent.
Fabliqué par Gaëlle
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